Le récit de la création nous dit, donc, que le monde est un produit de la Raison créatrice. Et ainsi il nous dit qu'à l'origine de toutes choses il n'y avait pas ce qui est sans raison, sans liberté, mais que le principe de toutes choses est la Raison créatrice, est l'amour, est la liberté. Ici nous nous trouvons face à l'alternative ultime qui est en jeu dans le débat entre foi et incrédulité : l'irrationalité, le manque de liberté et le hasard sont-ils le principe de tout, ou bien la raison, la liberté, l'amour sont-ils le principe de l'être ? Le primat revient-il à l'irrationalité ou à la raison ?
C'est là la question en dernière analyse.
Comme croyants nous répondons par le récit de la création et avec Jean : à l'origine, il y a la raison. A l'origine il y a la liberté. C'est pourquoi être une personne humaine est une bonne chose. Il n'est pas exact que dans l'univers en expansion, à la fin, dans un petit coin quelconque du cosmos se forma aussi, par hasard, une certaine espèce d'être vivant, capable de raisonner et de tenter de trouver dans la création une raison ou de l'avoir en elle.
Si l'homme était seulement un tel produit accidentel de l'évolution en quelque lieu à la marge de l'univers, alors sa vie serait privée de sens ou même un trouble de la nature. Non, au contraire : la raison est au commencement, la Raison créatrice, divine. Et puisqu'elle est Raison, elle a créé aussi la liberté ; et puisqu'on peut faire de la liberté un usage indu, il existe aussi ce qui est contraire à la création. C'est pourquoi une épaisse ligne obscure s'étend, pour ainsi dire, à travers la structure de l'univers et à travers la nature de l'homme.
Mais malgré cette contradiction, la création comme telle demeure bonne, la vie demeure bonne, parce qu'à l'origine il y a la Raison bonne, l'amour créateur de Dieu. C'est pourquoi le monde peut être sauvé. C'est pour cela que nous pouvons et nous devons nous mettre du côté de la raison, de la liberté et de l'amour - du côté de Dieu qui nous aime tellement qu'il a souffert pour nous, afin que de sa mort puisse surgir une vie nouvelle, définitive, guérie.